Ci dessous l’interview accordée par Lord Ekomy Ndong à kamerhiphop.com, portail hip hop camerounais.
Après le Tchad, Kamerhiphop.com s’est rendu au Gabon où réside l’une des plumes la plus engagée du hip hop africain : Lord Ekomy Ndong. Leader du groupe Movaizhaleine, ce gabonais écrit, compose et produit pour de nombreux artistes et projets internationaux depuis belles lurettes déjà. Il nous parle sans détour du hip hop gabonais, du clash Movaizhaleine # Eben Familly, de sa musique engagée au service de l’Afrique.
Kamerhiphop.com : Le 15 Aout 2009, alors que le Gabon cherche un successeur à Omar Bongo, toi tu sors 300809. De quoi s’agit-il exactement ?
Lord Ekomy Ndong : 300809. le titre représente le 30 Aout 2009, date des élections présidentielles gabonaises. On voulait que cette date soit le point de départ de quelque chose de différent en Afrique, et que le Gabon donne un exemple à tous ces pays frères qui connaissent les mêmes réalités. J’ai écris ce titre pour dire que les jeunes aspirent réellement à un changement dans nos pays car on est une génération qui malheureusement n’attends plus rien de la politique.
On connait les résultats des élections de presque tous les pays africains des années à l’avance.
Mais je voulais dire à ceux de ma génération qu’il fallait se mobiliser si on veut changer les choses et non baisser les bras en disant que de toute façon » c’est comme ca ».
L’on REVE naïvement d’avoir des élections digne de ce nom, et non les traditionnelles mascarades auquel tout un continent a droit depuis 1960.
Etant contacté par plusieurs bords politiques soi disant différents, je voulais aussi dire que je ne suis pas à vendre et faire gagner du temps aux autres qui allaient me contacter par la suite pour dire que je ne suis pas de ce qui vont chanter la gloire de tel ou tel homme politique. Parce que je ne crois pas en eux et parce que ce n’est pas tout simplement mon rôle en tant qu’artiste. Mais bon, voila quelques petites rimes qui crois moi, ont compliqué beaucoup de choses….
Es-tu un rappeur politiquement engagé finalement ?
Je mets mon son au service de ce en quoi je crois. On participe par le biais de la musique à ce que les choses évoluent. Et c’est ce sens que nous, on a toujours donné au rap et au reggae depuis le début.
Beaucoup d’internautes te connaissent à travers ton groupe Movaizhaleine, comment est née cette aventure ?
Movaizhaleine nait en 91. Quelques adolescents se disent un jour « faisons notre groupe de rap » entre deux cours au lycée Léon Mba. Au début on a squatté les émissions radio de l’époque qui avaient de la place pour nous. En général il s’agissait plutôt de tribunes reggae. Puis on a multiplié les sounds system et les concours de rap dans les recoins de Libreville. On essaie de rester fidele à nos origines tout en restant dans une esthétique HIP HOP. Et je pense que c’est ce mélange logique entre HIP HOP et INGREDIENTS AFRICAINS qui a fait que l’on rencontre un franc succès au Gabon au moment de la sortie de notre premier album « mission a mbeng » en 1999.
Le concept de votre musique est assez original, c’est un métissage d’instruments traditionnels au hip hop moderne. Pourquoi avoir opté pour cette démarche artistique ?
Comme je viens de le dire c’est juste logique. Il y en a qui ont samplé du blues, du jazz, du funk, de la soul, et qui parlaient de leur condition. Aux US ils ont fait avec ce qu’ils avaient à leur niveau et nous pareil. On utilise la musique et les sonorités de chez nous pour construire notre rap. Puis avec le temps on se met à jouer de vrais instruments typiquement d’africain comme ma fameuse harpe sacrée. En termes de concepts et de propos, même chose, on évoque des réalités qui nous touchent directement comme la main mise de la France dans les affaires africaines, la falsification de l’histoire du continent, en passant par la mémoire de nos héros…
Avec Maàt Le seigneur Lion, vous avez crée Zorbam Produxion votre label. A ce jour quels sont les réalisations à l’actif de cette structure ?
Je peux te citer entre autre : une dizaine de nombreux albums, classique du hip hop, reggae, ou autres produit ; un studio d’enregistrement à Libreville, le SHOW DU PAYS qui est un rendez vous scénique de MOVAIZHALEINE chaque année (6e éditions) et qui est l’un des plus gros événements de Hip hop au Gabon de part sa pérennité et l’engouement qu’il suscite et c’est une tribune pour de nombreux artistes invités. Les Journées De L’oralité 5e éditions, c’est un événement annuel indépendant qui braque ses projecteurs sur les arts oratoires modernes ou traditionnels : du slam au mvet en passant par le rap ou les contes du Gabon. Bref de la production, du management, de l’événementiel. Tant bien que mal ZORBAM PRODUXIONS reste un operateur culturel de référence au niveau du hip hop africain.
Après votre dernier album « On détient la harpe sacrée. Vol 2 », on s’attendait à une autre production en 2009 mais l’on n’a eu droit qu’aux singles « Engongol » et « 300809 ». A quand le grand retour de Movaizhéleine dans les bacs à travers un album ?
Oui, Engongol et 300809 sont des extraits de mon album sortis de façon anticipé pour répondre à l’actualité du pays. Engongol écrit pourtant 5 ans plutôt, dresse un pathétique mais réaliste bilan des « après indépendance » pour tous nos « pays riches à peuples pauvres », tandis que « 300809 » dénonce les simulacres d’élections qui sévissent en Afrique. Je voulais préciser que toutes les tristes réalités politiques dont je parle sont valables pour les pays environnants notamment le Cameroun qui quelque part est aussi mon pays donc quand on chante Engongol on peut remplacer le vert jaune bleu du Gabon par le vert rouge jaune du mboa c est valable la bas aussi et quand je chante 300809, remplacez par la date des élections au Cameroun et on verra que le message ne s’arrête pas au Gabon.
Parlez nous un peu du hip hop Gabonais….
Libreville s’est imposée comme une plaque tournante du hip hop africain et ce grâce au travail isolé d’acteurs différents tels que les labels, artistes, operateurs culturels, etc.
Aujourd’hui il reste beaucoup à faire mais le hip hop a une vie. La qualité des productions s’améliore, l’engouement du public est acquis désormais dans le sens où les gabonais consomment aujourd’hui un hip hop gabonais avant tout ce qui était loin d’être le cas il y a quelques années. Les vocations se diversifient. On a aujourd’hui des gens qui ont compris qu’il n’est pas possible que TOUT le monde chante, des manageurs se perfectionnent, les beatmakers pullulent, les gros studios ne manquent pas, tandis que les homes studio se montent partout jusque dans les mapanes. Ceci dit on stagne devant le manque de droits d’ auteurs. Il y a une lecture difficile (voire impossible) de l’implication des pouvoirs publics dans le développement de cette Culture qui crée pourtant tant d’engouement chez nous. Ceci dit ce problème se pose pour la culture en général comme je le dénonce dans le titre « NOUS ». Pourtant les hommes politiques on bien comprit à quel point le hip hop ou le RAP était dans le cœur des gabonais, comme en témoigne les nombreuses récupérations autour des élections.
Depuis 2003 vous organisez ‘’le show du pays’’, un show annuel qui n’a pu se tenir en 2009. Que s’est-il passé ? A quand le prochain et quels sont les invités ?
L’édition 2009 s’annonçait bien avec une grosse programmation internationale. Du slam avec des poètes venus de France, du Mali, du Cameroun, du Gabon, du Tchad, du Burkina…et un plateau rap évidemment de qualité. Mais le deuil national suite au décès du président gabonais a induit une annulation de dernière minute qui nous a terrassés.
MOVAIZHALEINE a rebondi sur invitation d’un operateur de téléphonie mobile pour donner deux concerts gratuits à Libreville et Port Gentil en décembre 2009.
Quels rapports entretiens-tu avec les autres acteurs de la scène hip hop Gabonaise ?
On se connait tous, même si j’avoue ne pas toujours partager les visions de mes collègues. Notamment les imbrications politiques + rap. Dans tous les cas on se respecte et j’ai réuni et impliqué une quinzaine d’artistes majeurs du rap gabonais sur un titre autour du problème de droits d’auteurs. Ceci dit il y a une nouvelle génération qui n’est affiliée à personne, et que j’admire parce qu’ils font les choses par eux même avec d’autres moyens et une autre logique.
Mais à vrai dire, en dehors des artistes que j’ai produit j’ai surtout collaboré avec des artistes venus d’autres genres (Hilarion Nguema, Annie Flore Batshiellilys, Pierre Claver Akendengué…).
Il parait qu’entre Eben Familly et vous c’est le clash permanent pour le leadership ?
Ma musique parle d’elle même, je pense. J’ai dit plus haut quelle est la direction et la préoccupation de mon « rap ». Ma musique est en clash permanent contre d’autres choses. Quand je dois chanter contre quelque chose c’est plutôt contre (euh, je ne sais pas moi…) les bases militaires françaises au Gabon et ailleurs en Afrique, l’argent du pétrole dont on ne voit pas assez les répercussions sur le pays, l’effacement progressif de nos cultures et de nos langues qui sont de moins en moins parlées ; notre propre histoire qui est ignorée et nos programmes scolaires inadaptés à nos propres réalités, etc. Voila mes « clashes permanents » et non, tiré sur les collègues parce que les clashs ne sont pas ce dont on a le plus besoin en ce moment. De toute façon, en parlant de leadership, tout le monde sait la place qu’occupent Lord Ekomy Ndong, Maat Seigneur Lion et Movaizhaleine dans le paysage musical gabonais depuis dix ans et ça ne se discute pas.
En Août 2009 vous étiez attendu au Cameroun à l’occasion du Festival Couleurs Urbaines. Que s’est-il passé ?
Non nous n’y sommes pour rien. Un problème indépendant de nous s’est posé au niveau de l’organisation qui a du déplacer deux fois les dates de concert, jusqu’a à un moment où il ne nous était plus possible d’être au Cameroun parce que nous avions déjà d’autres engagements (Sénégal) au même moment. Ce sont des choses qui peuvent arriver mais selon Hans (Couleurs Urbaines. Ndlr), nous sommes censés être présent à la prochaine édition. Par contre il a souvent été question d’autres festivals ou événements camerounais sur lesquels je me suis vu à l’affiche alors que nous n’avions jamais été contactés. C’est dommage que des promoteurs aient de tels comportements. Alors que donner un vrai concert au Cameroun et partager avec les frères là-bas serait vraiment un rêve pour nous.
Connais-tu le hip hop camerounais et quels sont les rappeurs avec qui tu souhaites travailler un jour ?
Je me suis renseigné sur le hip hop de tous les pays africains et j’ai des contacts un peu partout par rapport à deux de mes projets. Concernant le Cameroun, oui bien sur j’en connais un tout petit bout. J’ai rencontré Sultan Oshimin et koppo vite fait et krotal deux ou trois fois à Libreville. J’ai écouté les albums d’Ak San Grave et nous avions pour projet de produire un mini album de lady B pour le marché gabonais et avions commencé à travailler à Libreville.
Et puis je reçois régulièrement des démos ou des mails de groupes camer qui veulent que l’on travaille. À vrai dire, j’ai une vision de l’Afrique qui ignore les frontières que les occidentaux nous ont imposées pour nous diviser. De la même façon que l’on danse de plus en plus sur du rap nigérian au Gabon, comment se fait-il que le rap camerounais soit inconnu du public gabonais ? Et vice versa. Je veux travailler pour que au moins musicalement ces frontières insensées disparaissent, surtout entre des pays comme le Gabon, la Guinée équatoriale, et le Cameroun pour ne citer que ceux la. Et faites-moi confiance on travaille dessus. ça arrive.
Quels sont vos projets immédiats ?
On a enchainé un bon nombre de dates sur la France l’Allemagne le Sénégal puis le Gabon cette année. L’heure est venue de retourner en studio, je suis actuellement à Tokyo sur un gros et intéressant projet juste avant de me replonger sur la sortie de mon deuxième album solo… 7ans après le premier !
Un contact pour les fans et tourneurs au Cameroun ?
contact@movaizhaleine.com
+241 07 17 97 12.
Merci Lord Ekomy, bonne continuation et à très bientôt !
Abora Nen, merci beaucoup.
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